Maison Créoles (Avril 2009)
Alfredus, de la rue aux galeries d’art
Publié le 8 avril 2009, par Benjamin Trader
A vingt-six ans, Alfredus est un artiste attentif et spontané qui a découvert dans la rue le plaisir de peindre. De cette époque insouciante durant laquelle il réalise ses premières œuvres sur les murs de Guadeloupe, Alfredus conserve aujourd’hui la particularité de travailler essentiellement à la bombe aérosol. Et ce, malgré des contraintes inévitables. « Peindre une toile à la bombe, ce n’est pas comme faire une fresque sur un mur. D’une part, ce n’est pas évident de réduire le format quand on est habitué aux grandes surfaces. D’autre part, le fait de créer confiné dans un atelier vous coupe du public. Dans la rue, il y a davantage d’échanges. C’est pourquoi, dès que l’occasion se présente, j’apprécie les happenings lors de certains événements mondains ». Cet engouement pour le graffiti revient inlassablement dans le travail d’Alfredus, en particulier dans sa série de portraits d’hommes célèbres ou d’illustres inconnus, réalisés entièrement à la bombe. Dans ces œuvres, Alfredus insiste souvent sur l’utilisation de tons monochromes, invitant le spectateur à faire abstraction de la notion de couleur ou de race, et rendant son travail plus universel. « Je veux absorber l’esprit du spectateur par le regard de mes personnages ». Des personnages souvent musiciens, à l’instar du chanteur sénégalais Youssou N’Dour. Car la musique occupe véritablement une place de choix dans les créations de l’artiste, à tel point qu’Alfredus lui a consacré un thème propre. L’une de ses collections, Flux musical, associe travail à la bombe et acrylique dans un registre abstrait, marqué par un style en mouvement, haut en couleur, jeté et insaisissable. « Beaucoup de jazz, beaucoup de soul, beaucoup de choses qui bougent »…
Un sentiment d’extase
Peintre polyvalent et engagé, on retrouve également Alfredus dans un autre registre, plus proche du réalisme, dans sa série Sous-marine. Huile, acrylique, bombe, pinceau, couteau… Tous les médiums et les outils sont bons pour permettre à Alfredus de traduire le sentiment d’extase qu’il ressent une fois sous l’eau. « La recherche de l’esthétique est primordiale. Ensuite, par l’intermédiaire d’un clin d’œil plus ou moins décalé, je détourne l’intention première pour revendiquer un fait souvent en rapport avec l’action de l’Homme sur ce monde si fragile ».
Le besoin de peindre
A seize ans, « une époque un peu rebelle », Alfredus est déjà animé par une soif de revendication et choisit de s’exprimer par les bombes, influencé par le travail des pionniers du graffiti local tels que Groover, Pwoz ou Xela. « Cette première expérience de la peinture m’a donné envie de faire une école de communication visuelle après mon baccalauréat. Alors je suis parti étudier à Bordeaux pendant plusieurs années ». C’est à cette période que le jeune étudiant en communication réalise ses premières toiles. « Loin de chez moi, j’ai commencé à peindre parce que j’en avais vraiment besoin pour retrouver mes souvenirs, mes émotions, mes couleurs ».
Expo en vue
De mars à mai, rendez-vous à Sainte-Rose, à la galerie Imagin’art pour y découvrir la première exposition d’Alfredus. « Ca me tient énormément à cœur. Cela va être l’occasion de partager avec le public. Je suis prêt à encaisser les critiques » ! Alfredus présentera une trentaine de peintures mixtes autour de son thème musical. Du zouk à la salsa en passant par le jazz et le reggae, tous les styles (ou presque) y seront représentés. Après cette première exposition, Alfredus, qui ne manque pas d’ambition, projette de s’envoler vers les Etats-Unis, à New York en particulier, pour y diffuser son art. « J’ai déjà plusieurs contacts dans des galeries d’art, à Chelsea ».